Les Femmes savantes

D'après Molière

Mise en scène Gisèle Sallin

Mardi 7, mercredi 8 et jeudi 9 décembre 2010 à 20h30

Durée 1h50 sans entracte
Tarif B

Les femmes savantes – que Molière considérait comme son chef d’œuvre – revendiquent l’accès au savoir pour tous. Et à savoir égal, elles exigent aussi le partage du pouvoir.

En collaboration avec l'Association des Habitants de la Ville de Meyrin (AHVM)

Ce spectacle s'inscrit dans l'abonnement commun Théâtre Forum Meyrin / Théâtre de Carouge / Théâtre Le Châtelard

« Il n’est pas bien honnête et pour beaucoup de causes, Qu’une femme étudie et sache tant de choses. » Les femmes savantes, Molière

Les Femmes savantes – que Molière considérait comme son chef d'oeuvre – revendique l’accès au savoir pour tous. Et à savoir égal, la pièce exige aussi le partage du pouvoir.
Dans cette farce comique qui s’attaque à la grande bourgeoisie du XVIIe, un milieu pourtant misogyne, Molière donne la part belle aux femmes, qui règnent ici en maîtresses. L’auteur moraliste n’épargne pas davantage les intellectuels et poètes. En grand comique, il soulève le fait que le savoir n’éradique ni la bêtise ni la veulerie. Rire et coups de théâtre cachent une satire sociale et morale puissante.
Il y a 20 ans, cette pièce a inauguré le Théâtre des Osses, à Givisiez. Selon Gisèle Sallin, la directrice du théâtre, il est impossible de ne pas voir quelques liens entre ces savantes qui voulaient fonder une université moderne et l’équipe des Osses, en majorité féminine, qui souhaitait fonder un centre dramatique fribourgeois. En réunissant, autour de Roger Jendly et Véronique Mermoud, une nouvelle équipe, le Théâtre des Osses fêtera son anniversaire en compagnie du public.

Mise en scène Gisèle Sallin
Interprétation Roger Jendly, Véronique Mermoud, Daniel Monnard, Emmanuelle Ricci, Raïssa Mariotti, Marika Dreistadt, Frank Michaud, David Pion, René-Claude Emery, Anne Schwaller, Cédric Simon
Scénographie et costumes Jean-Claude De Bemels
Éclairages Jean-Christophe Despond

Photo Carole Bonstein

" Un sentiment de travail bien fait qui domine dans cette version joyeuse, sans acidité, des Femmes savantes. Dans un hôtel de maître parisien du XVIIe imaginé par le scénographe Jean-Claude de Bemels et suggéré par trois façades pivotantes sur lesquelles sont peints des portraits de femmes célèbres (Mme de Staël, Marie Curie, George Sand, la Callas, etc.), les protagonistes en habits d’époque jouent la situation au premier degré, avec une belle maîtrise de l’alexandrin et une vraie légèreté.

Le parti? Rien de révolutionnaire, mais une clarté d’énoncé et une volonté de ne pas accabler les personnages les plus typés. Ainsi, même Trissotin n’est pas caricatural. Au fond, le seul crime de cet opportuniste consiste à surfer sur la vague qui chavire ces femmes d’un nouveau genre. Etonnant de sobriété, David Pion donne presque une légitimité à ce chasseur sachant nager.

Mais, sur la scène de Givisiez, les plus percutants sont les aînés. Roger Jendly excelle dans le rôle du mari a priori écrasé. Il sautille d’embarras, sourit, ruse et déjoue d’une claque sur les fesses le carcan des érudits. Leste, grivois et inventif, il rend justice à l’indocilité de Molière.

Même invention chez Véronique Mermoud. Qui sidère dans le personnage de Bélise, vieille folle convaincue de l’intégralité de ses charmes alors que son heure a largement sonné. Avec son sourire aux anges et son air égaré, la comédienne a des allures de vieille gloire hollywoodienne flottant entre réalité et fiction. On voit peu la cofondatrice des Osses dans des rôles comiques. On apprécie d’autant plus son art, savant, de la composition. "


Marie-Pierre Genecand, Le Temps

 

" Respect-réactualisation. L'un ne va pas sans l'autre. Impossible de rendre compte de toute la modernité de Molière sans revenir au texte. C'est dans cette démarche que s'inscrit la nouvelle production du Théâtre des Osses, Les femmes savantes. C'est ce qui rend la lecture de Gisèle Sallin, metteuse en scène, extrêmement vivante, joyeuse, savoureuse! 

Un double mouvement se lit dans le jeu des comédiens. D'un côté, la diction respecte la versification de l'alexandrin et permet d'entendre le texte avec une grande clarté. De l'autre, les comédiens portent leurs répliques ici et maintenant avec leur sens du rire et du jeu. Quel délice d'entendre la langue de Molière dite de façon aussi précise et aussi incarnée!

En ce qui concerne la distribution, c'est un bonheur. Roger Jendly ravit dans le rôle du vieux barbon de comédie, totalement soumis à sa femme Philaminte (Emmanuelle Ricci), bien plus jeune que lui dans cette mise en scène. Il a un plaisir communicatif d'être en scène, la gestuelle abondante, généreuse, il dit les mots avec autant de gourmandise que Chrysale pince les fesses de sa soubrette.

Excentrique, Véronique Mermoud est touchante aussi dans le rôle de Bélise, vieille tante ou plutôt " vieille folle " pleine de bijoux qui séduit encore les jeunes premiers mais voit les ans filer. "

Elisabeth Haas, La Liberté

Créée en 1672, cette pièce dépeint, après Les Précieuses ridicules, l’engouement de certaines femmes du 17ème siècle pour une « libération de la femme» grâce au savoir. Comment a-t-elle traversé les siècles ? Dans quelle mesure ce que disait Molière, ce qu’il faisait dire à ses personnages, nous concerne aujourd’hui ?
La question de l’accès au savoir pour les femmes concerne encore le monde entier aujourd’hui. Si on a beaucoup évolué dans les pays occidentaux, de nombreuses femmes sont encore analphabètes. Quant à celles qui ont fait de hautes études, elles ont du mal à trouver des postes et à obtenir un salaire égal aux hommes. Le sujet n’a pas pris une ride par rapport à l’actualité, n’en déplaise à certains.

Est-ce une pièce misogyne, ou plutôt fustige-t-elle les «Trissotin» de toute sorte. Ces mots très drôles dans la bouche de Chrysale : « Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés, Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez, Quand la capacité de son esprit se hausse, À connaître un pourpoint d’avec un haut de chausse » et très machistes contre les femmes qui veulent s’élever par le savoir, sont-ils selon vous à prendre au premier degré, au second degré?
Ce n’est pas une pièce misogyne car Molière ne l’était pas. Mais la misogynie y est dénoncée. En ce qui concerne la tirade de Chrysale, elle est un morceau de bravoure de la comédie de Molière et elle est à prendre au second degré.

Comment situez vous Les Femmes savantes dans la longue lignée des comédies de moeurs de Molière ?
Comme la plus élégante.

Il y a vingt ans, vous aviez monté cette même pièce pour l’inauguration du premier théâtre professionnel du canton de Fribourg. Pourquoi avoir choisi à nouveau cette pièce aujourd’hui ?
La première version a laissé une trace indélébile. Pour preuve, il y a une rue des Femmes savantes à côté du théâtre. La représentation avait lieu dans ce qui était encore le chauffage du bâtiment où nous sommes installés. Le lieu était provisoire, il n’y avait pas de place pour une scénographie. Il y avait par contre des costumes somptueux et des acteurs merveilleux. Le spectacle a été plébiscité par le public, à Givisiez et en tournée. Un nouveau lieu s’ouvrait ! Les Femmes savantes est devenu le spectacle fondateur des Osses par le fait aussi que son noyau de base (quatre femmes et un homme) voulait créer un centre dramatique, comme Les Femmes savantes voulaient fonder leur académie. C’était une évidence et un plaisir pour nous de remettre Les Femmes savantes à l’affiche pour célébrer nos 20 ans à Givisiez.

En quoi votre regard sur ce texte de Molière et sur la mise en scène de cette pièce a-t-il changé ?
La première chose, c’est que j’ai 20 ans de métier de plus. C’est ce qui change essentiellement. L’expérience me permet de diriger les acteurs de façon plus claire et plus détaillée. J’ai plus de folie pour mettre en scène les délires des Femmes savantes et de toute la famille. En outre, les moyens du Centre dramatique me permettent d’avoir une scénographie et un espace scénique adéquats. Le plan visuel est bien sûr tout autre. Quant à ma perception de la pièce de Molière, elle n’a pas beaucoup changé. Je retrouve actuellement la complexité des relations et de la critique qui m’était déjà apparue il y a 20 ans.

Propos tirés de L’Étrave, journal de la Maison des arts Thonon-Évian, n°31