Je danse parce que je me méfie des mots

Kaori Ito – Himé

Spectacle présenté dans le cadre des Journées de Danse Contemporaine Suisse

Tarif unique : 15.-

 

Ils ne s’étaient pas parlé depuis plus de dix ans quand, en 2012, Kaori Ito renoue le dialogue avec son père, le sculpteur Hiroshi Ito. Après avoir arpenté le monde au gré de ses engagements, la danseuse retourne au Japon, encore meurtri par le tsunami qui a dévasté ses côtes. Elle n’a qu’une envie: recréer une rencontre avec son père. Mais comment réduire l’écart qui les sépare désormais? En provoquant un rapprochement artistique et humain. Le père se prête alors au jeu des questions de sa fille: «Pourquoi tes sculptures sont-elles sombres? Est-ce que tu crois aux fantômes?»... Des interrogations intimes qui sondent des sujets universels comme le passage de l’enfance à l’âge adulte ou le déracinement. Et si les deux artistes dansent aujourd’hui avec tendresse cet amour filial reconquis, c’est parce qu’au Japon on se méfie des mots.

Je veux recréer une rencontre avec mon père, comme pour retrouver quelque chose de perdu. Une rencontre à la fois artistique et humaine, la rencontre de deux êtres séparés par des milliers de kilomètres, et par une sorte d’éloignement culturel. En Mars 2011, l’année du Tsunami, après 10 ans d’absence, j’ai revu ma chambre à Tokyo, chez mes parents. Elle n’a pas changé depuis mes 20 ans. Mes parents l’ont laissé telle qu’à l’époque. Ensuite, j’ai vu les photos de moi dans le salon. Cela m’a donné la sensation d’être comme une morte dans cette maison. Comme si, depuis mon départ, ils gardaient mes affaires intactes pour conserver la fille qu’ils avaient auparavant, quand j’étais encore au Japon, comme si le temps s’était arrêté depuis mon départ. J’ai toujours tenté de plaire à mon père. J’ai donc travaillé toute ma vie afin qu’il soit content de moi. Petite, il me disait ce que je devais faire. Avant, j’écoutais ses conseils artistiques avec respect, mon père est sculpteur au Japon. Il représentait quelqu’un que j’admirais, quelqu’un qui détenait une vérité et j’exécutais scrupuleusement ce qu’il me disait de faire. Parfois ses remarques étaient très profondes, comme celle-ci : « il ne faut pas que tu bouges dans l’espace, mais que ta danse fasse bouger l’espace. » Mon père a toujours voulu conserver son autorité sur moi, peut-être pour que je reste sa fille.

Maintenant que je suis loin, que je me réalise, je me sens paradoxalement plus proche de lui artistiquement, mais trop loin affectivement. Aujourd’hui, je réalise que c’est lui qui cherche à me plaire. Maintenant, il me respecte comme danseuse. Il me reconnaît comme professionnelle et c’est pour cela qu’il veut danser avec moi. Quand je rentre au Japon, mon père veut toujours danser avec moi des danses de salon. Cela m’a toujours gêné mais maintenant je suis prête à danser avec lui en public, à le retrouver sur un plateau. Que les retrouvailles de nos corps de même sang et différents, le sien modelé par la sculpture et le mien par la danse, fassent bouger l’espace. La distance nous oblige à manifester l’amour autrement, de manière plus subtile. Au Japon, on ne montre pas ses sentiments. Lorsqu’une famille est réunie dans le même pays, l’intimité existe du fait de se voir et de vivre des choses ensemble, mais vivant à l’autre bout du monde, on a la sensation de devenir étranger à sa propre famille, on perd une relation concrète. Peut-être que le dessein de ce spectacle est la danse que nous ferons ensemble, après avoir dit ce qui peut l’être par la parole. Parce qu’au Japon on se méfie des mots.


Kaori Ito

Pourquoi tu écoutais de la musique grecque quand on était petit ?
Tu veux que je revienne au japon, définitivement ?
Pourquoi, à Noël, on mettait des dinosaures au lieu de sapins ?
Tu veux encore être reconnu comme artiste ?
Pourquoi quand je suis là tu es toujours fatigué ?
Tu aimes ma mère ?
Est-ce que tu crois aux fantômes ?
Pourquoi tu me lisais des histoires d’horreur avant de dormir ?
Combien de polypes tu avais l’année dernière ?
Combien de temps tu vas vivre encore ?
Combien de tes amis sont déjà morts ?
Pourquoi tes sculptures sont sombres ?
Tu as peur de la distance qui nous sépare ?
Tu as peur que je ne sois plus ta fille ?
Tu as peur de ne pas te reconnaître toi-même en moi ?
Tu as peur de me montrer tes sentiments ?

« Après avoir travaillé pour Philippe Decouflé, James Thierrée ou Angelin Preljocaj, cette prodige japonaise a choisi d’explorer ses racines dans des spectacles plus intimes. »
M le magazine du Monde
Le Progrès


« Père et fille, une sublime danse d’amour. Interprète merveilleuse, la Japonaise Kaori Ito invite son père, le
sculpteur Hiroshi Ito, à danser avec elle. »
Alexandre Demidoff, Le Temps


« Je danse parce que je me méfie des mots, est une oeuvre bouleversante qui articule danse et conversation
dans un dialogue entre la danseuse chorégraphe Kaori Ito et son père, à ses côtés pour l’occasion. (...) Seule
la scène pouvait sacraliser une telle histoire d’amour, qui est aussi une histoire d’amour de l’art. Le lien
unique unissant le père à la fille, il appartient dorénavant au public d’en conserver la mémoire. »
Alice Bourgeois, Mouvement


« Plus proche d’une famille de danse-théâtre où l’on retrouve au coude à coude James Thierrée, Alain
Platel, Aurélien Bory et Denis Podalydès, Kaori Ito (...) a imposé une page spectaculaire humaniste et
émotionnelle, dédiée à son père et à leur relation. »
Rosita Boisseau, Le Monde

 

Texte, mise en scène et chorégraphie Kaori Ito
Assistant à la chorégraphie Gabriel Wong
Dramaturgie et soutien à l’écriture Julien Mages
Scénographie Hiroshi Ito
Lumière Arno Veyrat
Musique Joan Cambon
Conception des masques et regard extérieur Erhard Stiefel
Costumes Duc Siegenthaler (Haute École d’Art et de Design de Genève)
Coaching acteur Jean-Yves Ruf
Coaching vocal Alexis Gfeller
Accompagnatrice-répétitrice Chiharu Mamiya
Régie son en alternance Adrien Maury, Bernard Lévejac et Jean-Marc Istria
Régie lumières en alternance Arno Veyrat, Pierre Montessuit, Carole China et Thomas Dupeyron

Production Améla Alihodzic (Playtime) et Thierry Tordjman (T&T Productions)
Diffusion Sarah Benoliel


Coproduction L’adc - Association pour la Danse Contemporaine, Genève, le Théâtre Garonne scène européenne, Toulouse, le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines – Scène nationale, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, La Ménagerie de verre, Paris, le Lieu Unique – scène nationale de Nantes, le Klap Maison pour la danse, Marseille, l’Avant-Scène – scène conventionnée de Cognac, le Channel – scène nationale de Calais, la Filature – scène nationale de Mulhouse
Soutiens La Ville de Genève, la SSA (bourse SSA pour la création chorégraphique), Pro Helvetia, La Loterie Romande, La Fondation Ernst Göhner, la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France - Ministère de la Culture et de la Communication, La Fondation Sasakawa, Arcadi Île-de-France.


L’Association Himé reçoit le soutien de la Fondation BNP Paribas pour l’ensemble de ses projets.