Retour sur la présentation de la saison 2016-2017

Violent paradis

«Violent paradis» aurait pu s’intituler cette saison, placée sous le signe d’une bataille de volatiles suspendus dans les airs. Ailes déployées pour l’un, dominant, offensif, tandis que l’autre, sur la défensive, replie ses plumes. Étonnante image en forme d’oxymore, qui magnifie le combat de deux rivaux pour une belle absente. C’est le spectacle ultime, celui qu’aucun théâtre ne pourra vous offrir, car il ne se joue pas sur commande. Pourtant, plus on observe ces oiseaux, plus ils ressemblent à des personnages de théâtre, d’une beauté folle, qui se battraient pour perpétuer la vie dans une pièce qui tourne au drame.

L’oxymore relie deux mots, deux idées, qui semblent de prime abord contradictoires. Emprunté à Rimbaud, «violent paradis» en est un exemple. Car le prince des poètes était aussi le roi de l’oxymore, seule figure capable, selon lui, de mener à l’hermétisme du monde. C’est, à mon avis, la figure qui s’impose pour rendre compte du travail artistique en cette troublante époque: représenter l’invisible, faire rire nos larmes, donner corps aux âmes perdues, pleurer nos joies incongrues.

La vie même est oxymore, tout entière vouée à la mort. Sublime combat que celui du théâtre, qui tente de capter pour la restituer la beauté poignante de vivre.


Anne Brüschweiler
Directrice